Annonces Google : l’ère de l’IA totale est lancée

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Google a frappé un grand coup lors de sa conférence Google I/O 2025. En deux heures intenses, la firme de Mountain View a dévoilé une avalanche d’innovations dopées à l’intelligence artificielle. Du moteur de recherche nouvelle génération aux agents autonomes en passant par la réalité mixte et un abonnement AI Ultra hors norme, Google a montré qu’il entend bien garder une longueur d’avance. Retour sur les annonces majeures d’un événement spectaculaire.

Un nouveau moteur de recherche

Google a officialisé un nouveau mode de recherche intelligent baptisé AI Mode. Il s’agit d’un onglet spécial intégré à Google Search, où un chatbot façon Gemini (le modèle de langage de Google) génère des réponses synthétiques et détaillées aux questions des utilisateurs.

Fini la simple liste de liens : l’IA peut désormais agréger des informations complexes, créer des résumés complets et même produire des graphiques ou visualisations à la volée en fonction des requêtes. « Si vous voulez voir le futur du moteur de recherche le plus utilisé au monde, il suffit de passer en AI Mode », résume David Pierce du site The Verge. Cette évolution marque « une nouvelle ère » pour Google Search, où la recherche ne se contente plus de trouver des informations mais fait preuve d’« intelligence » en connectant les points entre les données.

Concrètement, AI Mode est dès à présent déployé pour tous les utilisateurs américains de Google. Il vient enrichir les AI Overviews (les synthèses par IA au sommet des résultats) avec des fonctionnalités encore plus poussées. Google a par exemple démontré Deep Search, une fonction capable de fournir en quelques minutes un rapport fouillé et entièrement sourcé sur n’importe quel sujet. Le moteur pourra aussi prendre en charge des requêtes complexes en sport ou finance et y répondre par des tableaux ou graphiques générés en temps réel.

Autre nouveauté spectaculaire : Search Live. Vous pourrez poser des questions à l’IA à partir de ce que voit la caméra de votre smartphone, et obtenir des réponses contextuelles en direct, combinant image et voix. Il suffira de filmer une scène ou un objet pour qu’Astra – le nouvel assistant visuel intégré – analyse la scène et vous fournisse explications ou recommandations instantanées.

Google n’a pas oublié le shopping. L’IA vous permettra bientôt d’essayer virtuellement un vêtement à partir d’une photo de vous, grâce à la fonction « try-on » intégrée au moteur. Elle pourra même surveiller les prix à votre place : vous définissez un prix cible pour un produit, et un agent se chargera de le commander dès qu’il sera en promotion (après votre confirmation). Enfin, la recherche devient personnalisée à l’extrême : si vous le choisissez, Google pourra connecter votre compte Gmail, Agenda ou autres, afin de tenir compte de vos propres données (par exemple vos réservations de voyage) pour affiner les résultats. C’est une recherche proactive qui s’annonce, capable de « téléphoner à un magasin pour vous ou d’envoyer à un étudiant un test blanc généré à la volée » selon Reuters.

À noter que toutes ces nouveautés ne débarqueront pas partout immédiatement. En Europe, Google avance prudemment. La France, notamment, n’aura pas droit tout de suite à ces fonctions IA sur le moteur de recherche : la firme évoque des « incertitudes législatives » pour justifier ce retard. Cela n’a pas empêché Sundar Pichai d’affirmer que Google venait de donner un coup de frais historique à son moteur, capitalisant sur « une base de données gigantesque avec vingt ans de recherches » pour franchir un cap inédit.

Gemini 2.5 : l’intelligence artificielle surpuissante de Google

C’était la star de la soirée. Gemini 2.5, la dernière évolution du modèle d’IA multimodal de Google, s’est invitée partout dans l’écosystème Google. Déclinée en deux versions – Gemini 2.5 Flash pour des réponses instantanées, et Gemini 2.5 Pro pour une puissance de raisonnement maximale – cette IA de nouvelle génération propulse désormais plus de quinze produits phares de Google. Gmail, Chrome, Google Docs, YouTube, Maps, Meet… la quasi-totalité des applications maison intègrent désormais Gemini sous une forme ou une autre, faisant de l’IA « le moteur de l’expérience utilisateur» chez Google.

Que propose Gemini 2.5 ? D’abord, une vitesse et une qualité de réponse accrues. La version Flash est devenue le modèle par défaut pour répondre du tac au tac aux questions courantes. Ensuite, la version Pro introduit un module révolutionnaire nommé Deep Think. Ce mode de raisonnement avancé permet à l’IA de traiter des tâches complexes en plusieurs étapes, y compris dans des domaines exigeants comme les mathématiques, la science ou la programmation. Gemini 2.5 Pro peut comprendre des requêtes touffues et fournir des réponses détaillées en faisant preuve de logique, ce qui la rend apte à résoudre des problèmes de haut niveau – un vrai bond en avant pour une IA grand public. « L’IA n’est plus seulement un assistant, mais un véritable agent capable de comprendre, analyser et résoudre des problèmes complexes», écrit le journaliste Romain Vitt de Presse-Citron.

Surtout, Gemini devient le couteau-suisse intelligent de tous les services Google. Dans Gmail, il peut désormais trier automatiquement votre boîte de réception, proposer des réponses toutes faites ou même rédiger des emails entiers à votre place sur simple demande. Sur Google Docs, Gemini peut puiser dans tous vos documents pour vous aider à écrire, résumer un texte ou trouver une information nichée au fin fond de vos dossiers. Dans Chrome, il est capable d’analyser la page web que vous consultez et de répondre à vos questions sur son contenu, voire de naviguer automatiquement vers d’autres pages pertinentes selon vos besoins. Même Google Meet profite de Gemini : l’IA assure désormais la traduction instantanée des visioconférences, permettant à des personnes de langues différentes de converser en direct sans barrière ! Bref, l’IA s’infiltre partout. Google a clairement annoncé que Gemini deviendrait l’interface principale entre l’utilisateur et ses outils, tant ses capacités sont désormais étendues.

Des agents autonomes qui passent à l’action

L’un des thèmes phares de cette édition était l’avènement des agents intelligents proactifs. Google a levé le voile sur Project Astra et Project Mariner, deux initiatives qui concrétisent la vision d’une IA autonome capable d’agir pour l’utilisateur. Désormais, l’assistant Google ne se contente plus de répondre aux questions : il agit.

Project Astra représente la nouvelle génération d’assistants virtuels signés Google. Intégré dans la recherche Google et l’appareil photo des smartphones Pixel, Astra peut comprendre des requêtes multimodales combinant texte, image et voix. En clair, vous pointez la caméra de votre téléphone vers un objet ou une scène, vous posez une question à voix haute, et Astra vous répond instantanément en prenant en compte le contexte visuel. Pointer un monument pour obtenir son histoire, ou un légume inconnu pour savoir comment le cuisiner : tout cela devient possible avec une simplicité déconcertante. Cette interaction en temps réel entre le monde réel et l’IA concrétise la promesse d’un assistant vraiment présent dans notre quotidien physique.

De son côté, Project Mariner pousse encore plus loin l’autonomie de l’IA. Mariner introduit des agents capables de gérer jusqu’à dix tâches à la fois, de manière proactive. Par exemple, à partir d’une simple requête (« organise un week-end à Paris »), l’IA va enchaîner les actions : chercher les meilleurs vols, comparer les hôtels, vérifier la météo, effectuer des réservations, planifier un itinéraire de visites, etc., le tout en parallèle et en quelques instants. Cette automatisation avancée est déjà intégrée au nouveau Mode IA de Google Search pour les utilisateurs américains. Elle préfigure une ère où l’IA prendra en charge une part importante des tâches quotidiennes, l’objectif affiché étant de « faire gagner du temps et de l’énergie pour se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée ». En somme, Google rêve d’un assistant ultime, personnel et proactif, capable d’anticiper nos besoins et d’agir en notre nom – du jamais-vu à cette échelle.

Android XR : Google se lance dans la réalité mixte

Après une heure et demie centrée sur Gemini et l’IA, Google a consacré la fin de son keynote à Android XR, sa première plateforme de réalité mixte conçue en partenariat avec Samsung et Qualcomm. C’était l’une des annonces les plus attendues, Google préparant sa riposte à l’Apple Vision Pro sorti l’an dernier. Sur scène, une paire de lunettes futuristes a été dévoilée, point de départ d’un nouvel écosystème Android mêlant réalité virtuelle et augmentée.

Android XR promet de fusionner l’assistant Google avec le monde réel. Des lunettes compatibles Android XR seront capables de « voir et entendre ce que vous faites» et de « comprendre votre contexte» pour « vous aider tout au long de la journée». Concrètement, en portant ces lunettes, vous pourriez recevoir en temps réel des informations contextuelles dans votre champ de vision : itinéraire superposé dans la rue via Google Maps, description d’un lieu ou rappel d’un rendez-vous en fonction de ce que vous regardez, etc. Lors de la conférence, Google a fait la démonstration bluffante d’une conversation entre deux personnes parlant des langues différentes, chacune équipée de ces lunettes : la traduction en direct s’affichait dans le champ de vision de chacun, permettant un dialogue naturel. Le tout sans sortir son smartphone de la poche, simplement via les verres connectés.

Signe que Google apprend des erreurs du passé, la firme a annoncé collaborer avec des fabricants de lunettes traditionnelles pour intégrer Android XR dans des designs discrets et familiers. L’objectif : éviter le rejet qu’avaient connu les Google Glass il y a une décennie, jugées trop intrusives. D’après les journalistes présents, le format compact des nouvelles lunettes AR a impressionné l’audience. Google semble convaincu d’avoir trouvé la formule magique pour les lunettes intelligentes du futur, et signe son grand retour dans ce domaine. Le Project Moohan – un casque de réalité mixte plus immersif – est également attendu plus tard cette année pour compléter cette stratégie XR ambitieuse.

Google AI Ultra : l’IA premium à prix d’or

Google ne se contente pas de démocratiser l’IA, il cible aussi les utilisateurs power users avec une offre élitiste. La conférence a ainsi dévoilé Google AI Ultra, un abonnement mensuel à 249,99 $ destiné à ceux qui veulent le nec plus ultra de l’intelligence artificielle. C’est un tarif stratosphérique : même le forfait professionnel de ChatGPT chez OpenAI (200 $/mois) est moins cher. Pour ce prix, AI Ultra donne accès à tout ce que Google fait de mieux en matière d’IA, sans aucune limite. Concrètement, les abonnés AI Ultra bénéficient de Gemini 2.5 Pro (avec Deep Think) sur toutes les plateformes, de l’agent visuel Astra, et de l’accès anticipé aux nouveautés comme l’IA vidéo Veo 3 ou l’outil de création Flow. Le forfait inclut également les capacités maximales de services dérivés (comme NotebookLM pour la prise de notes intelligente, ou Whisk pour les recettes assistées). En prime, Google chouchoute ses clients ultra-premium avec des avantages concrets : 30 To de stockage cloud (via Google One) pour sauvegarder vos données, et l’abonnement YouTube Premium offert. Google positionne clairement cette offre pour « celles et ceux qui veulent tout ce que Google sait faire de mieux » : entreprises, développeurs ou passionnés prêts à payer le prix fort pour disposer de la crème de l’IA en illimité. AI Ultra sera d’abord lancé aux États-Unis dès cette semaine, avant un déploiement dans 70 pays dans un futur proche

Des innovations spectaculaires qui inquiètent aussi

Face à ce feu d’artifice technologique, les réserves ne manquent pas du côté des spécialistes et des médias. L’enthousiasme est tempéré par des préoccupations bien réelles autour de la vie privée, de la centralisation des données et des dérives potentielles de ces IA omniprésentes. Google n’a d’ailleurs pas éludé le sujet : la firme a reconnu que la personnalisation poussée de ses services soulève des « interrogations sur l’utilisation des données personnelles». En d’autres termes, que fera Google de tous ces emails, documents et historiques de navigation qu’il propose désormais d’exploiter pour nous faciliter la vie ? Des voix s’élèvent pour appeler à la vigilance. TechCrunch, par exemple, souligne que Google anticipe lui-même les « préoccupations de confidentialité» que susciteront ces fonctionnalités ultra-connectées, au point de préciser que chacun pourra « déconnecter [ses] applications à tout moment» du système. Autrement dit, l’utilisateur gardera un degré de contrôle – une promesse qui reste à tenir dans la durée.

Autre critique majeure : la manière dont l’IA puise dans les contenus du web. De nombreux éditeurs de sites d’information ont déjà manifesté leur inquiétude de voir Google répondre directement aux questions des internautes sans les rediriger vers les sites sources. Frandroid rapporte que les AI Overviews de Google sont accusés de se nourrir des articles en ligne tout en reléguant leurs liens toujours plus bas dans la page de résultats, « réduisant ainsi leur trafic». Les éditeurs dénoncent une forme de « cannibalisation » de leur audience par l’IA, qui pourrait menacer la pérennité de certains médias en ligne. Par ailleurs, la fiabilité des réponses générées pose question. Certains tests ont montré que l’IA de Google pouvait fournir « des résultats parfois erronés», ce qui, dans le cadre d’une recherche en apparence officielle, peut induire les utilisateurs en erreur. Des experts pointent aussi le risque de biais dans les modèles de langage : entraînés sur d’énormes volumes de données, ceux-ci peuvent reproduire des stéréotypes ou fournir des réponses partiales. Enfin, la concentration de tant de pouvoir technologique chez Google fait craindre un renforcement de son monopole et une dépendance accrue du public envers ses services.

En dépit de ces réserves légitimes, une chose est sûre : Google a franchi un cap historique avec cette I/O 2025. L’entreprise a démontré qu’elle ne comptait pas se laisser distancer dans la course à l’IA, tout en tentant de rassurer sur son usage responsable. Reste à voir comment ces innovations seront accueillies par le grand public, les régulateurs et les acteurs du secteur dans les mois à venir. Une nouvelle page de l’histoire technologique semble en tout cas s’écrire sous nos yeux – avec Google à la plume, et l’intelligence artificielle en toile de fond.